De nos jours tout va très vite. L’information que nous intégrons est, la plupart du temps, superficielle car nous ne prenons pas le temps de comprendre le fond des choses. Parfois nous choisissons même de croire ce qui nous arrange, pour se donner bonne conscience.
Seulement le sujet environnemental est sérieux, il est même capital. Rester superficiel et ainsi favoriser la forme au lieu du fond c’est cautionner des projets ou des actions qui ont finalement peu d’impact positifs. Et c’est aussi décourager ceux qui veulent réellement bien faire.
Cet article a pour but de prendre du recul sur le sujet et d’améliorer notre esprit critique afin d’être plus aguerri fasse aux communications relatives aux produits « verts » ou « eco-responsables ».
Attention aux mots
Le produit « vert » ou « eco-responsable » a amené avec lui tout un champ lexical, un vocabulaire qu’il nous semble bon de redéfinir ici.
Voici une synthèse de définitions factuelles proposées par Régis Léty, Responsable département développement durable au CTC (Comité professionnel de développement économique de la filière cuir, chaussure, maroquinerie et ganterie)
Renouvelable
Matière d’origine naturelle qui se renouvelle dans un période courte c’est-à-dire au moins aussi vite qu’elle se consomme. En fait on utilise souvent le terme « renouvelable » pour désigner les matières d’origine animale ou naturelle comme le cuir ou le coton. « Renouvelable » est en fait l’inverse des ressources présentant des stocks limités comme le pétrole ou certains métaux ou minéraux.
Une matière « Renouvelable » provient d’une origine qui se régénère.
Biosourcé
Désigne les matières issues de ressources naturelles et renouvelables comme le coton ou le cuir. En fait on utilise plutôt « biosourcé » pour désigner des alternatives au pétrole.
Par exemple si l’on trouve une matière d’origine naturelle (ex : coton) pour remplacer une matière plastique (ex : polyester ou polyamide).
Biodégradable
Désigne les matériaux qui se dégradent au fil du temps sous l’effet des micro-organismes. En vérité la grandes majorité des matériaux sont biodégradables mais avec des durées différentes. Il n’est pas donc pas vraiment cohérent de dire qu’un produit est biodégradable sans en indiquer la durée.
Quelques exemples :
- Peau de banane : 3 à 6 mois
- Papier journal : 3 à 12 mois
- Boite de conserve aluminium : 10 à 100 ans
- Bouteille en plastique : 100 à 1000 ans
- Bouteille en verre : 4000 ans
Le durée dépend également de l’environnement dans lequel se trouve l’objet : air, eau douce, eau salée, etc.
Naturel
Désigne simplement les matières qui sont d’origine naturelle c’est-à-dire animale ou végétale. C’est l’opposé des matières dites synthétiques comme le polyester ou le polyamide.
Végane
Désigne les matières qui ne sont pas d’origine animale. Le cuir est d’origine animale alors qu’une microfibre ou une toile polyester ne le sont pas et sont donc « végane ».
Compostable
Désigne des matières qui sont biodégradables très rapidement. En effet une matière « compostable » doit être décomposée à 90% en trois mois.
Recyclable
Désigne les matériaux qui pourront être réutilisés en fin de vie dans une nouvelle boucle de production.
- Soit en boucle fermée c’est-à-dire pour le même produit (ex : une semelle caoutchouc est broyée puis réutilisée pour la production d’une nouvelle semelle en caoutchouc).
- Soit en boucle ouverte, c’est-à-dire que la matière qui est recyclée va être réutilisée pour la fabrication d’un produit différent (ex : des bouteilles en plastique sont broyées puis utilisées pour produire un textile en polyester).
Travailler sur le fond
Pour une entreprise qui veut être efficace dans sa démarche d’amélioration il faut savoir sur quoi agir en priorité afin que l’impact de ses actions soit important et surtout réel.
Certaines actions sont bonnes pour la communication mais ont en réalité très peu d’impact sur le fond. De plus, sans données factuelles et sans aller au bout des analyses, on pense parfois bien faire, alors que le résultat en insignifiant voire pire.
Ecologique et économique vont de paire
Utiliser des déchets pour en faire de nouveaux matériaux disponibles sur les lignes de production, c’est du bon sens écologique mais également économique.
Car les deux vont souvent de paire, et lorsque l’on s’intéresse à la question écologique, on se rend souvent compte que de bonnes pratiques sont déjà mises en place dans les entreprises… mais pour des raisons avant tout économiques : économie de matières premières, isolation des bâtiments, optimisation du transport, mise en place des LED à basse consommation, dons des invendus à des associations, etc.
Toutes ces bonnes actions écologiques sont avant tout réalisées par bon sens économique.
Les matériaux recyclés : avoir une vision globale
Nos fournisseurs commencent en effet à nous proposer des matériaux dits recyclés. Bien sûr qu’il relève du bon sens de réutiliser des déchets pour leur donner une seconde vie sur les lignes de production.
Mais avant de faire sa transition, ne faudrait-il pas analyser la filière en se demandant par exemple l’énergie et le transport qui sont nécessaires au recyclage ? Il faut que la filière soit sérieuse et locale. Car si les déchets parcourent les continents en camion pour atteindre le point de recyclage, pour ensuite repartir au lieu de production, est-ce réellement une bonne chose ?
Dans une publication évoquant les matériaux innovants et le greenwashing, le CTC, qui s’occupe notamment de la normalisation des chaussures de sécurité EN ISO 20345, évoque la question de la durabilité des matériaux recyclés. Si la matière recyclée est 30% moins résistante à l’abrasion qu’une matière vierge, le produit sera probablement « 30% moins durable » dans le temps.
Lire notre article : Choisir une chaussure de sécurité qui dure dans le temps.
Produire une paire de chaussures supplémentaire, c’est réenclencher toute la machine : extraction des matières première, transport, transformation, assemblage, transport, etc.
Nous ne sommes pas en train de dire que les matériaux recyclés sont inefficaces. Bien au contraire. Si nous croyons dans ces procédés, nous devons, en tant qu’industriel, être curieux et inquisiteur pour que les filières progressent et prennent du sens.
Nous disons en fait que choisir ses solutions, à la base pour des raisons écologiques, sans aller comprendre le fond des choses et sans s’appuyer sur des données factuelles, n’est pas cohérent selon nous.
La donnée factuelle et scientifique
Qu’est-ce qu’une donnée factuelle ? Une donnée factuelle se base sur une méthode de calcul fiable et reconnue émanant d’organismes légitimes, indépendants et sans parties pris. Par exemple, les labels pour lesquels les intéressés sont juges et parties n’ont aucun sens.
Chez S.24 nous avons entrepris la réalisation d’un Bilan Carbone. Il permet d’analyser les émissions de CO² de l’entreprise toute entière.
C’est un bon point de départ pour avoir une vision globale de ce que chaque poste de l’entreprise produit en termes d’émission carbone (énergie, intrants, emballage, déchets, transport, déplacements, etc).
Selon nous, c’est également une façon de gagner en expertise sur le sujet. Car au même titre que nous sommes experts de notre produit, nous devons gagner en compétence sur la question environnementale sinon nos actions resteront superficielles.
Le Bilan Carbone permet donc de comprendre ce sur quoi il faut agir en priorité. Afin d’être impartial, ce dernier est réalisé par une entreprise agréée par l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) qui est un organisme public.
La suite logique des choses c’est la réalisation d’ACV (Analyse du Cycle de Vie du produit) qui permettront de rentrer encore plus dans le détail de ce que chaque produit prend à la planète de l’extraction de ses matières premières à sa fin de vie. De cette façon il nous sera possible d’identifier les points les plus critiques à améliorer. Et s’il s’avère que les matériaux en font partie, alors il sera temps d’intégrer des nouveaux matériaux plus vertueux dans nos process de fabrication après nous être assuré de leur impact positif.
Toujours selon Régis Léty, Responsable département développement durable CTC :
« Comparer deux matériaux, en dehors d’un contexte d’ACV n’a pas de sens. »
« Comparer deux matériaux en ayant appliqué la méthode de l’ACV partiellement, c’est-à-dire en ne prenant pas en compte l’usage final du produit fini fabriqué avec cette matière, n’a pas de sens non plus ».
Il ne s’agit pas d’être trop pointilleux ou perfectionniste, il s’agit de faire les choses dans l’ordre avec cohérence. Car il vaut mieux une solution longue à mettre en place mais vertueuse à la fin, qu’une solution court terme belle sur la forme et inefficace dans le fond.