Immersion dans l’atelier S.24 situé en Dordogne. Ici, les savoir-faire traditionnels côtoient des machines-outils performantes. La Direction a volontairement choisi de conserver un atelier en France, pour produire une partie des chaussures de sécurité S.24.
Une particularité qui a attiré l’attention de la rédactrice bordelaise Claire Goutines qui est venu visiter l’atelier S.24, accueillie par Alexis et Jérémie du service R&D. Voici son enquête au cœur de l’unité de fabrication S.24.
Claire GOUTINES – Rédactrice
Ce parti-pris audacieux permet de disposer de toute la chaîne à La Roche-Chalais : conception et bureau d’études, service commercial, fabrication de A à Z, gestion des commandes et administrative, stockage, colisage et logistique.
Étape 1 : la découpe des matières
C’est le point de départ de tout atelier textile. Des rouleaux de toutes les couleurs s’entassent sur les racks. Cuir, microfibre, polyester pour les doublures, mousse pour le rembourrage, Texon plus costaud pour faire le lien entre la tige et la semelle, polyamide anti-perforation… leur utilisation varie bien sûr selon la série en cours de fabrication, sachant qu’un modèle simple comporte entre 12 et 15 pièces différentes. Ce chiffre grimpe à 30/35 pièces pour les modèles sport !
Didier Arsicaud, le responsable de l’atelier, montre fièrement le dernier équipement acheté, pour réaliser la découpe au couteau. Ce matin, c’est Ève qui manœuvre l’imposante machine. Comme elle travaille du cuir, elle effectue les placements des coupes à la main. À l’aide d’une souris qu’elle déplace dessus, elle contourne les petites imperfections de la peau et positionne la découpe pour perdre le moins de matière possible. La machine enregistre ensuite le placement et coupera automatiquement au bon endroit. « Si nous taillons de la microfibre par exemple, explique Didier, les placements se font informatiquement selon la laize, la forme de la pièce et la pointure. » Car évidemment, le nombre de pointures multiplie les opérations, sachant que S.24 fabrique du 35 au 47, voire au 48 pour certains modèles !
Plus loin, Karine s’active à l’emporte-pièce. Une autre technique de coupe, plus traditionnelle, mais très efficace. Là aussi, il y a autant de formes en acier que de modèles, multipliées par le nombre de pointures ! Salariée dans l’entreprise depuis 25 ans, Karine apprécie ce poste : « La coupe, ça bouge, on change tout le temps de matière et d’emporte-pièce, j’aime cette variété. »
Comme tous ses collègues, Karine alternera les opérations dans la journée, ou plusieurs fois dans la semaine. Tous les 10 jours, Didier et Béatrice, qui supervise l’atelier, font le point sur les commandes et établissent des plannings… qui seront forcément bousculés. Alors Béatrice arrive chaque jour à 7 h, ½ heure avant tout le monde, et organise le travail entre les 25 opérateurs. « Les chaussures pour femmes, par exemple, sont plus longues à fabriquer. Selon les commandes, il faut sans cesse réajuster, et répartir le travail de manière équilibrée pour que chacun change de poste. »
Les pièces découpées passent ensuite dans les mains d’Élisabeth qui affine les extrémités ou les bords en insérant le textile dans une pareuse. En diminuant ainsi l’épaisseur, elle facilite le montage. Plus loin, c’est l’assemblage par presse thermocollante de la doublure de l’avant-pied, qui protège le pied de l’embout de sécurité.
Étape 2 : la piqûre des matières
L’étape de piqûre est réalisée par des expertes qui fournissent un travail de précision à une vitesse impressionnante. Cet atelier constitue l’une des particularités de S.24.
Jérémie BENRARD – R&D : « C’est souvent ce qui est délocalisé en premier, car la piqûre demande du temps et revient cher. Mais le fait d’avoir conservé la piqûre ici nous permet d’avoir 100 % des étapes de fabrication sur place. Je pense que nous faisons partie des derniers en France. »
Les machines sont conçues soit pour des coutures à plat, soit en volume. Dans la partie « piqûre à plat », Sylvie assemble l’empeigne (partie avant), les porte-œillets et les ornements latéraux. Derrière elle, Muriel coud la mousse du contrefort sur le talon puis passe l’ensemble sur une forme pour le mettre en relief.
Marie-France travaille la piqûre en volume. Elle attrape dans un bac les différents éléments pour les assembler sans hésitation. Employée ici depuis 10 ans, elle a en tête environ 20 à 25 modèles et sait exactement quelles coutures elle doit effectuer pour chacun. « Le plus dur à piquer, c’est le cuir grainé. C’est une matière rigide, difficile à travailler, mais utilisée dans les chaussures de sécurité justement pour sa solidité. »
Le dernier poste de l’atelier piqûre, le plus fatigant aussi certainement, c’est la machine « Strobel ». Explication de Didier : « Au départ, c’est une marque de machine, très particulière et au final, c’est devenu une appellation, le montage Strobel. Il sert à assembler en volume la tige (partie haute) de la chaussure à la semelle intérieure, que l’on appelle première de montage. »
Véronique manie la « Strobel » avec dextérité et vigueur. Les épaisseurs de matières sont importantes dans les chaussures de sécurité et il faut de la force pour les coudre ensemble en volume. Elles sont une dizaine à savoir manier la Strobel dans l’atelier, et se relaient à ce poste exigeant.
Étape 3 : le collage
Selon les modèles et les matières, différentes techniques sont utilisées : soit l’usage de colle à chaud, par presse, soit un encollage manuel avec de la colle liquide. Avec habileté, Lucette effectue cette opération : elle passe la forme sur un rouleau chargé de colle, plie puis assemble les parties encollées.
Anne-Marie, depuis 25 ans qu’elle travaille ici, est comme ses collègues parfaitement polyvalente. Elle maîtrise la piqûre à plat, en volume, l’encollage, et aime cette diversité. « Même si on garde le poste toute la journée, on change de modèle ou on arrête tout pour répondre à une urgence. Il y a toujours du mouvement ! »
Étape 4 : le montage des embouts
Vient ensuite le montage des embouts, un élément de sécurité incontournable qui équipe chaque paire. Bien sûr, chaque modèle requiert un embout différent en acier, en aluminium, en composite (fibre de verre ou polycarbonate) ou en carbone. Et sa taille varie selon la pointure.
À ce poste, Christophe met la chaussure sur une forme, pose l’embout entre la doublure et le textile puis insère le tout dans une machine qui va rabattre le textile dessous. Il termine par le verrage, en éliminant le surplus de matière sous la semelle de montage.
Étape 5 : l’injection des semelles et la finition
C’est sans conteste la machine la plus impressionnante de l’atelier. Un énorme carrousel tourne en continu. Au-dessus, la chaussure attend sa semelle. Celle-ci est formée par injection de granulés de PVC ou de TPU. Une fois chauffés puis fondus, ces granulés constituent une matière liquide qui épouse parfaitement la forme de la semelle souhaitée. En dessous, une autre chaussure a déjà reçu sa semelle. Jérôme, l’opérateur, ouvre le moule et pose l’article encore tiède sur les racks, qui partent directement à la finition.
« La finition, c’est l’institut de beauté des chaussures, dit en souriant Alexis Galeas, du service marketing. Elles passent toutes entre les mains des deux personnes chargées de vérifier la conformité des produits, et de corriger les petites imperfections. » En effet, Yvan manie le pinceau avec dextérité, il masque les traces de colle ou brûle les fils qui dépassent. René, lui, effectue l’ébavurage, en enlevant de surplus de matière autour des semelles.
Étape 6 : la logistique
Pascal et Nadège sont, quant à eux sur la préparation de commandes, le colisage et les 1500 m² de stockage. « Pascal est notre meilleur testeur de chaussures, précise Alexis, car il ne tient pas en place et marche toute la journée ! ».
Les 150 000 paires en stock sont impeccablement rangées par modèle, par pointure et par date, afin d’assurer la traçabilité de chaque lot. Elles ont été fabriquées en partie à La Roche-Chalais, en partie en Asie, mais toutes sont entreposées pour assurer des livraisons rapides. À raison de 300 colis en moyenne par jour, ce sont 1500 à 2000 paires qui sont envoyées aux 4 coins de l’Hexagone, chez les 1500 revendeurs de la marque.
Alexis : « Cette grande capacité de stockage nous permet d’être très réactifs. Une commande est souvent expédiée à J+1, d’autant que le service administratif est juste à côté. »
Réunir dans un même lieu souplesse, polyvalence, innovation et savoir-faire traditionnels n’est pas si courant. C’est pourtant le défi que relève chaque jour cette marque française.